
Le célèbre écrivain daghestanais Rassoul Gamzatov a inscrit à l’entrée de sa maison la phrase suivante : « A toi le passant, si, sur ton chemin, tu passes prés de ma maison sans que tu n’y entres pas, que la neige et le tonnerre s’abattent sur ta tête ». Dans le même ordre, dans le cas de notre ami Chacha on peut dire ce qui suit en paraphrasant cette inscription : « Toi le rifain libre si tu es de passage par Amsterdam et tu ne fais pas un détour par chez moi, je ne te pardonnerai pas «
Hier matin, j’étais chez Chacha avec mon ami Jamal El Kattabi, une rencontre pesante et choquante qui m’a rappelé de visites similaires dont les protagonistes étaient des rifains d’un genre particulier, à la fin d’octobre 2003, j’étais accompagné par une dame vertueuse de la famille du président dans une visite à l’écrivain rifain Mohamed Choukri, qui était de séjour dans l’une des clinique du Maroc utile, luttant contre la redoutable maladie, trois ans plus tard et exactement en mai 2006, nous étions accompagnés par le colonel Hachemi Tod et deux autres amis à rendre visite au Dr. Omar Elkhattabi qui luttait contre sa maladie. Au fait pourquoi ceux qu’on aime le plus finissent par s’en aller ?!
Dans une longue interview, malheureusement inachevée, avec l’aimé Chacha il disait
« … à Qabuyawa, dans les environs de Nador, et en 15 Août 1955 j’a quitté le ventre de ma mère vers ce monde, j’ai grandi dans une famille pauvre, dans laquelle j’ai découvert l’amertume, la douceur de la vie et les clivages des classes, peut être je porte toujours en moi la colère de cette époque, qui a gravé dans mon esprit les souffrances des pauvres et leurs ambitions. Après le primaire je suis parti à Nador pour poursuivre mes études au lycée, là l’occasion m’a été donnée pour me découvrir un talent dans le chant, le théâtre et ma rébellion contre l’injustice et la tyrannie, mais malheureusement, après un certain temps j’étais sur la liste noire, parce que je refusais de chanter pour le tyran Hassan II. Après avoir été expulsé du lycée RIF Mohamed Ameziane,j’ai travaillé comme un matin, et en un laps de temps court, de nouveau, je suis sur la liste noire parce que je défendais les marins, je les incitais à se lever contre l’exploitation. En 1977, j’ai quitté le RIF profond pour les Pays-Bas, ce pays merveilleux qui m’a accueilli malgré que je sois sous développé… «
Donc, au milieu des années 1950, à la périphérie de la ville rifaine Qabu Yawa le noble rifain Chacha, connu parmi ses amis sous le nom d’Achilles, est né, son enfance innocente l’a conduit à’être un témoin des temps des fractures répétées alors qu’il était un petit garçon, les tragédies répétées du RIF ne l’ont ni aliéné ni dépouillé de son entêtement rifain inné, aussi c’était obligé et non par hasard, alors qu’il venait de boucler ses trois ans, que ses premiers jours d’innocence l’emportèrent vers des événements historiques dans le RIF des années 1950,des événements, dont il comprendra plus tard le sens, il s’y engagera dans l’acte de résistance contre la « culture de l’oubli et de la domestication » comme de nombreux parmi ceux de sa génération, dans sa prime jeunesse il s’est plongé dans les bras du texte et sa curiosité enfantine l’a conduit directement vers l’amitié avec le texte et du livre en général.
Achilles est entré en contact avec les valeurs et la pensée de gauche avant qu’il ne connaisse les gauchistes, il a connu Marx et Antonio Gramsci et ultérieurement l’allemand Martin Heidegger et en arrivant à son premier inspirateur Friedrich Nietzsche avant qu’il connaisse le parti de gauche qui a inspiré ces pionniers, et ainsi il a cherché plus tôt à s’arrêter à l’angoisse existentielle et apprendra plus tard les concepts de « l’être authentique » et » l’être inauthentique » de Martin Heidegger, cette même préoccupation le conduira vers la théorie ou la philosophie de la Praxis, c’est-à-dire la philosophie de la pratique, en s’inspirant de Gramsci et en s’appuyant sur les concepts de « l’intellectuel organique » et la « société civile », une philosophie qui appelle à l’émancipation absolue de l’idéologie et qui cherche à accéder aux particularités de la réalité sociale et ses contradictions. Ce stade le conduira dans les années 1970, et à un âge précoce, à chercher la «communauté» ou ce que j’appelle la tribu gauchiste.
Si les années 1970 est l’âge d’or de la gauche par excellence, Achilles est il est et est resté gauchiste à l’intérieur de cette gauche elle-même, ni les éditions de Dar Taqqadom ( دار التقدم), ni Farabi, ni dar Talli3a ( دار الطليعة) et encore moins d’autres n’ont voulu l’aider à combler ses questions troublantes, des questions qui l’ont renvoyé à la case départ. Comme je l’ai dit plus haut la philosophie de la praxis a conduit notre ami à la recherche d’un mécanisme partisan pour la pratique et l’action au milieu des « masses » ce concept magique et lumineux connu dans le spectre politique et parmi la jeunesse de cette époque-là, cet engagement lui causera de moult problèmes en raison de son implication précoce dans les luttes du mouvement estudiantin au lycée du rebelle rifain Mohamed Ameziane à Nador et son lot de poursuites dans les rangs de la génération de cette période, des événements qui vont le conduire plus tard à opérer un choix difficile : le choix de la migration vers les espaces plus larges de la liberté et de la dignité humaine.
À la fin des années 1970, le rifain va se retrouver au milieu de ce qui est appelé la tribu dite « la nouvelle gauche », une gauche organisée selon une hiérarchie partisane étroite, qui voit en l’homme un outil fonctionnel pour arriver à « la dictature du prolétariat » et qui professe des idées passés de mode et reproduites, qui aspirent à la réalisation des rêves majestueux et se détourne des questionnements continuellement reportés, ici le plupart de ses amis de la première génération se souviennent comment l’écart d’Achilles s’agrandissait avec des questions brûlantes qui l’ont conduit plus tard vers une rupture avec la tribu gauchiste d’un côté et la recherche de nouvelles issues à la question de l’existence rifaine de l’autre.
L’écrivain rifain écrit:
« .. à nous les rifains de noter et en toute fierté qu’Achilles Chacha a été parmi les premiers qui ont pu toucher de près les spécificités de la littérature rifaine dans la diaspora, la répertorier, la diffuser et proclamer publiquement sa cause, à une époque où le fait de parler publiquement de la cause rifaine, culturellement et politiquement, a été systématiquement combattu par le makhzen et la tribu gauchiste …» Fin de citation.
Achilles a produit par l’écriture, la musique, beaucoup d’oeuvres rares et l’entêtement rifain l’a conduit vers l’aliénation une deuxième fois dans l’ère du nouveau sultan, l’aliénation d’une expression porteuse d’un salut et une victoire pour les valeurs et les choix de la génération des années 1920, les valeurs de liberté et de la non-réconciliation avec la tyrannie.
Le Samedi 2 juillet 2016 le noble rifain sera de retour vers sa patrie accompagné de plus de 20 œuvres, rarement un écrivain rifain de la diaspora à produit autant que lui.
Pour l’ami Achilles, à l’occasion de ton retour, je te chuchote à l’oreille et au nom de tous ceux qui t’ont présenté les condoléances ..
Paix sur toi, toi le rifain authentique, qui a exprimé ses opinion sans restriction.
Par Farid Aït Lahcen, journaliste et militant des droits humains, La Haye/Les Pays-Bas
La Haye, le 30 juin 2016
Source: tabrat.info


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